Yann « Dub » De Keroullas nous a quittés il y a deux ans, mais l'esprit « Reverse », sans concession sur le plan artistique comme sur le plan technique, est toujours bien vivant. C'est ainsi le studio Angström Mastering qui, grâce à la persévérance de Frédéric Alstadt et l'appui de Flo Koffmann, a remis en service le matériel de gravure de Yann à la rentrée 2015. Mais c'est aussi un musicien et ami, Nicolas Esterle, aka Ripit, qui à sa manière poursuit l'oeuvre de cet ingénieux du son brutalement disparu. Que ce soit au sein du duo polymorphe Solar Skeletons ou d'une autre paire, Fujako, spécialisée dans les hybridations dub / hip hop non conventionnelles, ou encore à l'occasion de ses nombreuses prestations live, Ripit expérimente au sens où l'entendait Yann. Intensément, obstinément.
Pour notre part, on peut affirmer sans fard que la Manufacture des Bruits de Fond, dans sa démarche et pour partie dans son esthétique sonore, emprunte le chemin tracé, forcément à contresens, par Reverse. Jusqu'à logiquement faire de Yann notre graveur attitré depuis 2008.
Du label Reverse, il restait une parution en attente, le volume 12. Précisément 6 titres signés Ripit & friends, initialement destinés au vinyle. Ripit a considéré que leur diffusion par notre biais serait comme une forme de « retour au bercail », un témoignage partagé de ce que nous devons à Yann. Et en effet, c'est en retrouvant la vocation première des Bruits de Fond – sauver de l'oubli des enregistrements méritant une exposition, même confidentielle – que nous proposons aujourd'hui « Reverse 12 ».
Si la collaboration avec l'italien A034 était déjà disponible dans ses propres archives en ligne, les cinq autres pistes demeuraient inédites. Et elles reflètent en quelques sortes l'évolution de Ripit sur la période 2005-2010 lors de laquelle elles ont été composées. On retrouve d'abord la violence crue dans la lignée des titres produits pour YB70 ou Zhark quelques temps plus tôt, avec ces collisions de blasts technoïdes et de broyats rythmiques acérés (« Dope on the table » ou « Unresponsible god »). Vertigineusement brutal, mais pas seulement. Car le reste du EP varie les plaisirs, dans la douleur bien sûr. « Growling corrupt drone » avec A034 ou « Numa1 » avec Creminel crépitent à mid-tempo, l'emballement machinique n'étant jamais bien loin et les projections d'éclats métalliques toujours aussi dangereuses. « Coquette ramonale », réalisé en compagnie de Skatolo, pétarade plutôt au plomb et crache son groove de pot d'échappement. Un motif tout aussi épais se dégage de la carcasse sonore, prémice des ambiances toxiques que Ripit développera par la suite notamment au sein de Fujako. Enfin, la sorcière Hecate vient hanter « Assan i Sabbah Akhbar » des arabesques samplées dont elle a le secret, sur lesquelles les compères déploient leurs dark vibes, magie noire des hauts-fourneaux à moins que ce ne soit des hauts-plateaux. Une influence mélangée de sable de l'atlas et de poussière de charbon dont Ripit ne se départira pas (écoutez par exemple le récent et somptueux remix livré pour les Portugais de Live Low).
On retrouve dans cette fracassante archive l'essence de ce qui faisait Reverse, de ce qui fait Bruits de Fond . Et on comprend pourquoi nous suivons si attentivement, et accompagnons régulièrement le travail de Ripit.
Quelques mots, encore, pour saluer l'implication de Benalô, compagnon de route commun, à qui l'on doit l'imagerie Reverse comme nos premières illustrations et incarnations sur le web, et plus largement source d'inspiration biomécanique depuis 20 ans. Ben a donc rempilé sans sourciller afin de boucler la boucle ensemble. Merci !
credits
released December 4, 2015
RIPIT « Reverse 012 » - Bruits de Fond 23 (2015)
1 - Dope on the table
2 - Unresponsible god
3 - Growling corrupt drone (with A034)
4 - Numa1 (with Creminel)
5 - Assan i Sabbah Akhbar (with Hecate)
6 - Coquette ramonale (with Skatolo)
Produced by Ripit and friends between 2002 and 2009
Originally planed to be released as Reverse Records 012
Mastering by Yann Dub at angstrom-mastering.com
Cover by Benalô
In loving memories of Yann « Dub » De Keroullas.
http://bruitsdefond.bandcamp.com/geen idee wat ze allemaal vertellen ma wel heel vet